ANTOINE BENEROSO


Portrait du Dr Antoine Beneroso


Le Possédé du Cœur

Antoine Beneroso fut l'un des êtres les plus généreux qu'il me fut donné de croiser dans ma vie.

Né à Larache au Maroc le 8 mars 1930, Antoine était fils d'un transporteur routier d'origine espagnole, actif et dur à la tâche installé à Azrou puis à Mekhnès.

Pour la petite histoire, M. Beneroso père noua une amitié forte avec le comte de Paris et sa famille, établis gentlemen-farmer dans cette région frontalière entre les 2 Marocs durant leurs années d'exil. Il devint l'ami du prince et son conseiller bénévole. Transporteur attitré de son domaine il pouvait, grâce à ses relations dans tout le pays, négocier les productions de sa ferme au meilleur prix.

Ce fut le comte qui, le premier, remarqua la vive intelligence du jeune Antonio. Il incita son père à le placer dans une bonne école.

A Mekhnès, Antonio fréquenta l'école maternelle et primaire de "la Boucle". Il passa ensuite un an au lycée Poeymirau puis une autre année au lycée Lyautey de Casablanca avant de poursuivre jusqu'au bac ses études à l'école Acker de Mekhnès. Premier de la classe et fort en thème, Antoine fut un élève assidu et fit de brillantes études secondaires avant d'étudier la médecine à Paris où la famille s'installa.

L'été, il revenait s'occuper de l'école Acker où il était devenu professeur et faisait des stages à la clinique du Dr Giguet où il opérait aux côtés du Dr Cornette de St Cyr.

En 1958, le Dr Beneroso ouvrit un cabinet de chirurgien gastro-entérologue dans le XVIe, dont la renommée flatteuse attira rapidement une clientèle huppée.

Je fis la connaissance d'Antoine dans les années 60. Il appartenait au Phylum, un club fondé par des notables pour contrebalancer l'influence des clubs anglo-saxons tels le Rotary ou le Lyon's Club.

En faisait partie la bande à Jean Commelin, - brillant polytechnicien et pionnier de la rétro-ingénierie -, amicale épicurienne comprenant entre autres figures, Denise Gay et Michel Trécourt. Ce fut Jean qui amena un jour dans mon studio du 35 de la rue Jacob ce jeune médecin aux allures de potache, aux yeux brillants, au sourire éblouissant ?

Dès le premier regard, à la première poignée de mains, le courant passa entre nous et Antoine vint fréquemment me voir dans ma minuscule tanière sous les toits. Il fut témoin à mon mariage avec Corinne et fit partie de notre joyeux cercle d'amis.

Autant ma vie d'écrivain était modeste, autant la sienne était active et flamboyante. Il avait épousé une femme fortunée, appartenant à la bonne bourgeoisie, fille d'industriels renommés, magnats de la chaussure de qualité. Son cabinet de gastro-entérologie du XVIe arrondissement était assiégé par une clientèle cossue. Sa sœur aînée Margot avait fait un beau mariage avec un grand chirurgien. Quant à sa sœur cadette, Angela, c'était une petite fée menue, diligente, serviable et merveilleusement belle.

Seul tourment : son petit frère Jean-François qui souffrait d'une malformation cardiaque. Antoine remua ciel et terre pour le sauver, réussissant à le faire bénéficier d'une des premières opérations cardiaques réussies.


Antoine Beneroso en famille



Séparation

A la fin des années 60, son ménage battait de l'aile, et son union se termina par un divorce, la garde des deux jeunes enfants, Nathalie et Xavier étant confiée à leur mère.

Antoine fut frappé dans ses œuvres vives par cette douloureuse rupture.

Jusqu'à son divorce, tout lui avait réussi dans la vie et grande était son ambition. Mais la séparation d'avec ses enfants, le conflit avec son épouse, ouvrirent une faille affective dans sa vie jusque là bien réglée. Il sentit soudain le besoin de changer d'air et de milieu.

A cette époque, l'esprit de Mai 68 venait de passer par là - quelques jeunes médecins écœurés par la tournure fric et business que prenait la médecine officielle, l'abandon de la vocation médicale au profit d'un plan de carrière, décidèrent de réagir.

Ils s'investirent dans l'humanitaire, au service des plus pauvres, délaissés par les nouvelles élites du tiers-monde.

Méprisant la politique et les politiciens, il se proposaient d'offrir une aide médicale gratuite et directe aux populations les plus démunies de la planète. Missionnaires laïques, ils remplacèrent ici et là les missions chrétiennes chassées par les révolutions marxistes.

Ils s'enrôlèrent spontanément sous la houlette de la Croix-Rouge Internationale, et se retrouvèrent pour une première mission au Biafra où se déroulait une atroce guerre post-coloniale mettant aux prises une ethnie chrétienne, les Ibos, au gouvernement central Nigérian dominé par une faction musulmane confortée par l'ancienne puissance.

La région gorgée de pétrole attirait tous les prédateurs et il fut évident que les requins de la finance et de la politique internationales n'allaient pas laisser une population primitive bénéficier des richesses de son sous-sol !

La mission au Biafra de ces jeunes médecins idéalistes fut tout de suite confrontée à une guerre d'extermination et de terreur, sans lois, opposant un peuple pauvre et mal armé à une armée ravitaillée et soutenue par tous les impérialistes de la planète.

Pris en otage par des intérêts opposés, dans une situation dramatique où leur énergie et leur bonne volonté n'avaient que peu de pouvoir, ces chevaliers de l'utopie se sentirent malgré eux transformés en mercenaires.

Le plus dur, le plus effroyable pour ces jeunes praticiens idéalistes, n'ayant pas encore perdu la foi en leur vocation, fut l'impossibilité matérielle de soigner toutes les victimes, cette odieuse obligation de trier parmi les blessés et les malades, ceux qui avaient une chance de survie, en abandonnant les autres faute de moyens.

Supervisée par un administrateur opportuniste, et des manipulateurs plus ou moins habiles, se tenant et œuvrant toujours du côté du manche et du plus fort, au détriment des faibles et des sans-défense, cette mission eut le mérite de faire réfléchir et réagir quelques-uns de ces médecins revenus du Biafra blessés dans leurs convictions.

Il est vrai que la Croix-Rouge, vieille dame d'œuvres déjà plus que centenaire, victime de sa renommée et d'une lourdeur administrative opaque et paralysante devait, pour survivre, donner des gages de neutralité aux intérêts les plus opposés.

Au cours de cette première mission Antoine Beneroso noua des relations d'amitié avec Jean Cabrol et Jean-Pierre Willem qui, quelques années auparavant, jeune interne à Libreville, s'était rendu à Lambaréné auprès du Dr Albert Schweitzer, et resta travailler durant quelques mois à ses côtés.

Des personnalités fortes tels Bernard Kouchner ou Max Récamier s'imposèrent avant de s'opposer sur le droit d'ingérence qui deviendra le cheval de bataille de Bernard Kouchner et de ses amis.

Toujours est-il que de cette mission humanitaire pionnière surgirent des figures remarquables telles Roni Brauman, Xavier Emmanueli, Gérard Illiouz qui, deux ans plus tard créeront Médecins sans frontières.

C'est avec un très vif enthousiasme qu'Antoine s'était engagé avec ses jeunes confrères dans cette première mission humanitaire, séduit par la générosité du projet. Il en revint quelques mois plus tard avec des sentiments mitigés, écœuré par la consternante réalité observée sur le terrain et surtout le sentiment d'avoir été manipulé, d'avoir servi d'alibi, d'avoir assisté impuissant à un génocide.

A son retour, séparé de son épouse et de ses enfants, marqué par son séjour au Biafra, Antoine Beneroso quitta Paris et le XVIe arrondissement, pour installer son cabinet dans la cité nouvelle d'Evry, où il se fit rapidement une bonne clientèle.

Grand séducteur, Antoine avait toujours une cour brillante autour de lui, des jeunes et jolies femmes venues le consulter non pas qu'elles souffrissent de quelque maladie que ce soit, mais afin que le beau docteur s'occupe d'elles.

Vertèbre déplacée


 Antoine

En 1969, je fus confronté à une douleur vertébrale insupportable que le médecin que j'avais consulté ne parvenait pas à soulager.

Antoine gravit chaque jour les cinq étages jusqu'à mon studio sous les toits et, patiemment, avec dévouement, se livra à des infiltrations ponctuelles d'analgésiques qui soulageaient ma douleur mais ne supprimaient pas la cause de mon mal.

Un jour, en présence de mon ami Roland Massot, il déclara:

- Je ne vois plus qu'une solution, voir un rebouteux!

Roland se proposa de me conduire chez son ami Pécunia, un chiropracteur qui me remit sur pied en une seule séance de manipulation.

Antoine Beneroso et Albert Pécunia sympathisèrent et échangèrent souvent leurs connaissances médicales.

Praticien plein de fougue, ouvert à toutes les techniques capables d'aider son patient, Antoine prenait à cœur de guérir ses malades en livrant au mal qui les frappait une guerre sans merci.

En présence d'un malade, il ne se contentait pas de poser un diagnostic et d'établir une ordonnance, il suivait son patient jusqu'à sa guérison.

Ce fut avec les Dr Olivier Charon et Jean-Pierre Willem, l'un des très rares médecins que je connus, prenant à cœur d'étudier à fond le cas qui leur était présenté, et dont l'empathie avec le malade était totale.

Comme jadis le Dr Georges Schwartz (Paul Valet en poésie) Antoine Beneroso aida des dizaines de mes amis à recouvrer la santé. Au premier appel téléphonique il accourait avec sa mallette médicale, examinait le malade, l'écoutait patiemment, posait son diagnostic avant de lui indiquer la conduite à tenir et de lui fournir le remède adéquat. Et il faisait cela avant ou après les consultations données à son cabinet, sans jamais accepter le moindre sou !

C'est ainsi qu'il vint soigner Gigi Guadagnucci dans son atelier de Montparnasse, l'unique fois de sa vie que le sculpteur tomba malade. Ce n'était qu'une forte grippe mais Antoine Beneroso dut avouer que c'était la seule affection qu'il craignait !

Les Mercenaires de la Charité

 Enfant du Biafra


Auteur de romans d'espionnage, j'avais demandé à Antoine de me rapporter de sa mission le plus de documentation possible pour me permettre de bâtir un roman d'aventure sur toile de fond de ce conflit.

De retour du Biafra, il me fournit une abondante moisson de photos, de documents, de souvenirs sur tout ce qu'il avait vécu là-bas.

A la lecture de ces documents, en regardant ces clichés, en écoutant son récit, je me rendis compte que cette aventure humanitaire méritait beaucoup mieux que de servir de canevas à un modeste roman vite torché comme j'avais l'habitude d'en confectionner deux ou trois par mois.

Je lui proposai d'en tirer un ouvrage plus ambitieux, un roman certes, mais réaliste, car tous les éléments étaient réunis pour composer un récit puissant et lancer un cri d'alarme.

Antoine se prit au jeu, même un peu trop, et me cravacha pour que le roman parût au plus vite, si possible avant la réunion prochaine des officiels et de l'équipe ayant participé à la mission, c'est-à-dire à quinze jours de là !

Antoine et la plupart de ses jeunes amis médecins étaient revenus du Biafra avec la sensation d'un énorme gâchis, d'avoir été sur le terrain le jouet d'une sordide manipulation.

En effet, pour ces jeunes praticiens de terrain, ignorants des nécessités de la Realpolitik mais ayant observé les embrouilles, les compromissions, les bakchichs, les trafics d'influence auxquels étaient contraints de se livrer quelques officiels de l'organisation caritative internationale, avec les autorités nigérianes et des barbouzes de tous bords, rentrèrent de leur mission blessés, leur conscience marquée au fer rouge.

Dans le récit que me fit Antoine corroboré par ses amis ayant participé à l'aventure, transparaissait un formidable sentiment de révolte, qui eût mérité une étude plus approfondie.

En moins de dix jours le récit fut bâclé sur mon Underwood. A peine relu et imprimé sous le pseudonyme d'Antoine Maloroso et le titre un peu provocateur Les Mercenaires de la Charité, il parut juste à temps pour la réception prévue.

Dans les milieux officiels de la Croix-Rouge ce petit ouvrage politiquement incorrect fut accueilli avec fraîcheur par les uns avec ironie par d'autres. En effet, le lobby helvète tenait à ne pas faire de vagues, à ne froisser personne, ni les Anglais, ni les Russes qui soutenaient le Gouvernement nigérian, tandis que Jacques Foccart, éminence grise du général de Gaulle, qui privilégiait l'indépendance des Ibos pour contrebalancer l'influence britannique, s'amusa de ce pavé jeté dans le marigot.

Antoine Beneroso, être franc, ouvert, chaleureux, sentit très vite une certaine glaciation s'établir dans ses rapports avec les officiels, fonctionnaires de la charité, qu'ils appartiennent à la Croix-Rouge internationale ou aux services de l'État !

En fait, lors des cérémonies d'auto-congratulation et des remises de hochets honorifiques, Antoine fut privé de la Légion d'Honneur dont bénéficièrent la plupart de ses camarades.

Être loyal par excellence, Antoine Beneroso, n'en fut pas trop froissé. En tant que médecin, il connaissait l'incommensurable fatuité des hommes politiques, leurs faiblesses, leur corruptibilité.


Une médecine au service des malades

Après l'expérience douloureuse et enrichissante du Biafra, Antoine appliqua dans sa banlieue cette médecine loyale, généreuse des praticiens d'autrefois exerçant leur métier difficile par vocation, permettant aux plus démunis d'accéder aux mêmes soins que les plus riches, sans aucune discrimination.

Durant plusieurs années, il pratiqua avec succès sa spécialité, la gastro-entérologie, à Évry, recevant à ses consultations des clients de toute la région parisienne, parmi lesquels des confrères, des artistes, des milliardaires et des clochards avec, une proportion élevée de jolies patientes qui se disputaient le privilège d'être reçue en tant que "dernière cliente" de la journée !

L'une des qualités majeures de ce praticien d'exception résidait dans l'amour de son métier qui l'incitait à mobiliser toutes ses facultés pour trouver la cause précise du mal dont souffrait son malade et la thérapeutique nécessaire à sa guérison. Curieux de toutes les techniques, des expériences de ses confrères, il exerçait d'instinct une médecine "globale" tels que la formuleront par la suite les adeptes de la médecine "holistique" ou "totale".

En cela il était tout à fait à l'opposé de cette médecine bureaucratique enseignée dans les facultés, ne tolérant aucune autre thérapeutique que celle autorisée par le mandarinat.

La mort d'un malade importait peu à ces morticoles pourvu qu'il mourût selon les règles ! Guérir un malade par des soins non reconnus par la Faculté était une hérésie et pouvait entraîner le médecin qui les pratiquait à des sanctions !

Antoine refusait obstinément de renoncer à sa liberté de chercheur ou de se laisser enfermer dans un carcan de règles abusives. Pour lui la Médecine restait un Art, non une science exacte comme la physique.

Il m'est arrivé de le voir concentré, exerçant sa volonté sur le cas d'un malade abandonné par ses confrères, qu'il voulait absolument tirer d'affaires, et y parvenant quelquefois, selon une probabilité très au-dessus de la moyenne.


Envie d'écrire

 Antoine Beneroso portrait

La publication des Mercenaires de la Charité et le très modeste succès de sa diffusion déclenchèrent en lui une forte envie d'écrire d'autres ouvrages.

Approché par les Éditions de Trévise, un éditeur habitué à la fabrication de bestsellers, il eut la chance de séduire Paul Winkler, le grand patron. Il partageait avec lui le goût des jolies femmes et des voitures rapides et sportives. Bene travailla durant plusieurs mois avec Gérard, le sympathique collaborateur que le patron avait chargé de l'assister dans l'élaboration d'un nouvel ouvrage à paraître sous le titre : Les Possédés du Cœur.

Enthousiasmé par les exploits de chirurgiens d'exception comme Barnard, Cabrol et quelques autres grandes figures de la médecine contemporaine, qu'il rencontra personnellement, Antoine souhaita écrire l'épopée de cette fabuleuse aventure scientifique.

A un moment donné, il commit l'erreur de privilégier la littérature où il n'était encore qu'un apprenti à la pratique médicale où il excellait.

La raison et l'excuse principale de ce changement de cap fut la diminution de son acuité visuelle qui lui fit craindre une perte d'efficacité dans son art. Mais aussi sa ferme croyance qu'il exercerait une influence supérieure par l'exercice de la littérature que par une pratique médicale exemplaire.

Au cours de son enquête sur les opérations cardiaques en vue de la publication de son livre Les Possédés du Cœur, Antoine Beneroso se rendit à Houston, à New-York, en Californie, étudier sur place les techniques médicales de pointe en cours d'élaboration.

Il rencontra également le professeur Christian Barnard, auteur de la première greffe du cœur. Lors de leur entrevue, le célèbre chirurgien lui confia comment, au cours du mois précédant sa première opération, il assista plusieurs fois en rêve, de bout en bout, avec une très grande précision, à sa prochaine intervention.

Chaque difficulté, chaque instant de découragement, le moindre incident de parcours, une hémorragie imprévue même lui étaient apparues en songe, et Barnard avoua à son confrère que le jour J, il avait opéré son patient en véritable état second, comme si sa main était guidée d'en haut...

Beneroso ajoute : «Barnard étant alors un jeune chirurgien inconnu, Sud-africain de surcroît, méchamment critiqué par des pontifes jaloux de son exploit, il n'osa aggraver son cas en confiant cette anecdote à la presse».


L'effondrement


 Antoine Beneroso portrait


Ayant cédé prématurément son cabinet pour s'adonner corps et âme à la littérature et le succès espéré n'étant pas au rendez-vous, Antoine Beneroso perdit pied.

Il vécut quelque temps dans une caravane dans les bois, loin de tout, ravitaillé par une amie, avant que je ne l'héberge dans ma maison de campagne de Bourron.

Ses amis et moi avons essayé de relancer la mécanique, de ranimer son enthousiasme, de lui redonner confiance en lui, mais la petite flamme s'était éteinte.

En 1976, le Liban où Antoine avait des amis médecins travaillant dans un pays à feu et à sang, ravagé par la guerre civile, lui offrit une nouvelle chance. Il se rendit à Beyrouth, à ses frais, emportant plusieurs valises d'instruments, de médicaments, et alla seconder une équipe médicale débordée, travaillant jour et nuit dans un hôpital à demi détruit par les bombardements et les attentats.

Vers la fin de cette même année, 76, mon propre couple ayant sombré, je décidai de prendre une année sabbatique et rejoignis Antoine Beneroso qui m'avait appelé à l'aide, et lui apportai des produits de première nécessité dont leur hôpital était démuni.

N'étant ni médecin, ni infirmier, ni même secouriste, je représentais une gêne plutôt qu'une aide efficace. Je remplis quelques tâches de soutien, de présence, d'accompagnement, de parole, de liaison... Mais les médecins libanais secondés par des praticiens venus d'Europe étaient beaucoup plus utiles que moi, le gros Helvète maladroit.

Ici, à Beyrouth, c'était l'horreur... Des blessés arrivaient de partout, broyés, sanglants, défigurés, émasculés, ayant perdu un membre, un œil, avec des plaies épouvantables, les entrailles à l'air. Une expérience par-delà l'imaginable... Ici, à Beyrouth, c'était l'enfer.

Me sentant inutile, je rentrai à Paris la rage au cœur pour toutes les abominations observées, mais physiquement et psychiquement requinqué. Rien ne vaut un traitement de choc pour remettre ses idées en place. Et puis, j'avais perdu cinq kilos. Dans l'année j'en perdis vingt autres !

Ayant repris le collier, je ne vis Antoine que de loin en loin, mais le sachant remarié à une femme énergique et sympathique, je le crus totalement tiré d'affaires.

En effet, j'avais lu avec un très vif intérêt le dernier ouvrage qu'il me soumit avant publication, traitant de l'acharnement thérapeutique dont avait bénéficié le Général Franco lors de sa fin de vie.

Un jour, j'appris qu'Antoine s'en était allé par un matin gris, sans un cri, comme un oiseau perdu dans la tempête, ayant simplement ouvert la fenêtre pour rejoindre la terre.

A l'église Saint-Médard l'émotion fut immense lors de l'ultime cérémonie d'adieu à cet homme au cœur immense.

 Antoine Beneroso et Minouchka Dancre



OUVRAGES PARUS :

Les Mercenaires de la Charité (Presses Noires 1969)

Bistouri au Poing (Euredif 1970)

Les Possédés du Cœur (Trévise 1971)

L'Opération de la dernière chance (Trévise 1972)

Meurtre par pitié (Mass Media 1975)

Franco : l'acharnement thérapeutique (Mass Media 1977)


(Ébauche janvier 2008)

Haut de page         Accueil         Coups de cœur